Plus de deux ans après la promulgation de la loi Taquet, un projet de décret a été présenté aux instances professionnelles (Conseil national de la protection de l’enfance, Comité de filière petite enfance, groupe de travail « collectivités »). Il vise à appliquer l’une des mesures les plus discutées de cette loi : instaurer un délai minimal avant toute nouvelle demande d’agrément suite à un retrait.
Comme trop souvent, ce projet contient à la fois des avancées utiles et des dispositions profondément injustes, qui menacent directement nos collègues.
❌ Une sanction avant même tout jugement
Le texte prévoit :
Un délai d’attente obligatoire de six mois après un retrait d’agrément, avant de pouvoir redéposer une demande.
Trois ans de délai si le retrait est lié à des faits de violence.
Et en cas de procédure pénale, il faudra attendre la fin du jugement… sans possibilité d’exercer.
Résultat : dans les faits, une assistante maternelle peut se retrouver sans travail ni revenus pendant de très longs mois, même si elle est ensuite totalement blanchie. Dans le “meilleur des cas”, cela peut représenter au moins dix mois d’inactivité (quatre mois de suspension + six mois de carence). Et ce délai est souvent bien plus long.
😤 Une présomption de culpabilité permanente
Nous le constatons depuis des années : la parole des assistantes maternelles est systématiquement mise en doute, tandis que celle des plaignants — souvent des parents — n’est ni interrogée ni confrontée. Ce décret, au lieu de corriger cela, institutionnalise la présomption de culpabilité.
Bien sûr, dans les cas les plus graves, il est légitime que des sanctions fermes protègent les enfants. Mais dans de nombreux cas, le retrait d’agrément repose sur des accusations non fondées, et même des professionnelles innocentées par la justice n’ont pu retrouver leur métier.
💔 Une double peine : économique et psychologique
Perdre son agrément, c’est non seulement perdre son revenu, mais aussi sa dignité professionnelle. Cela signifie souvent quitter le métier, faute de solution. Le chômage ? Inexistant. La reconversion ? Difficile. L’impact psychologique est immense, même en cas de non-culpabilité.
Et l’opinion publique ne pardonne pas : lorsqu’il s’agit d’enfants, la suspicion suffit à salir durablement une réputation. Coupable ou non, “il n’y a pas de fumée sans feu”… Une logique toxique et injuste.
✅ Ce que nous demandons
Nous ne rejetons pas tout. Nous saluons l’idée d’un cadre national unifié, qui met fin aux grandes disparités entre départements.
Mais nous demandons avec force que :
Le délai de carence commence dès la suspension, et non après la décision de retrait, comme c’est le cas dans les procédures pénales.
Les professionnelles injustement sanctionnées soient protégées, réhabilitées et accompagnées.
Car une sanction sans jugement définitif, ce n’est pas de la justice, c’est de l’exclusion.
🛑 Flou sur l’application concrète
À ce jour, les modalités d’application ne sont pas encore claires. Deux hypothèses circulent :
Une déclaration sur l’honneur d’absence de retrait à joindre au dossier.
La création d’une base de données nationale regroupant les retraits, ce qui poserait de sérieuses questions de confidentialité et de droit à l’oubli.
Nous serons particulièrement vigilants sur ces points et continuerons à vous informer.
✊ Ensemble, faisons entendre notre voix
Ce texte montre à quel point il est vital d’être uni·e·s pour défendre notre profession. Il est inacceptable que des femmes car il s’agit à 99 % de femmes soient exclues sans procès équitable, ni considération humaine.
🔷 L’UNSA PROASSMAT reste pleinement mobilisée pour porter votre parole et votre réalité de terrain, souvent ignorées par les rédacteurs de lois déconnectés du quotidien.
AVEC VOUS, POUR VOUS, MAIS PAS SANS VOUS !